PLF 2017 : le volet social et sanitaire de la loi prostitution au rabais

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Les budgets alloués à la sortie de la prostitution risquent d’être réduits de moitié. AIDES le dénonce dans une lettre ouverte aux parlementaires.

Lors du vote de la loi prostitution, un volet social a été prévu. L’objectif était d’accompagner les travailleurs du sexe vers une sortie de cette activité. Mais ce programme est menacé. La loi finance pour 2017, en débat au Parlement, prévoit de diviser les crédits par deux. Dans une lettre ouverte aux parlementaires, le président de l’association AIDES exprime sa colère. « La loi prétendue globale se révèle bien être ce qui était dénoncé : une loi de prohibition purement idéologique », écrit Aurélien Beaucamp.

Le gouvernement l’a promis lors des débats sur la loi prostitution : l’enveloppe pour accompagner les travailleurs du sexe serait substantielle. La somme de 20 millions d’euros a été annoncée à de multiples reprises. En réalité, le budget correspond à une fourchette de 10 euros par mois et par personne. Insuffisant, aux yeux d’AIDES qui dénonce « les effets délétères de la loi », six mois après son adoption.

Voici l’intégralité de la lettre ouverte aux parlementaires

Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Le 13 avril 2016, vous adoptiez la loi « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées » en dépit des alertes sur les conséquences de cette loi par de nombreuses associations, dont AIDES.

À l’époque, nous dénoncions un volet sanitaire inexistant, un volet « social » rachitique, alibi d’une vision idéologique et prohibitionniste à contre-courant des logiques de santé publique et d’inclusion sociale.

Pour s’en défendre, le gouvernement promettait alors une mobilisation financière sans précédent de l’État. Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des Femmes, était formelle devant l’Assemblée nationale le 29 novembre 2013 : « C’est un effort dédié de 20 millions d’euros par an sur le budget de l’État qui sera dégagé pour soutenir cet accompagnement spécialisé, un meilleur accès au droit, des programmes de réduction des risques. Cet effort correspond à dix fois les crédits actuellement consacrés par l’État au soutien aux associations. Cet engagement que nous prenons ne peut être plus clair ». Il sera répété plusieurs fois lors des différentes lectures du texte. La création d’un fonds dédié est même inscrite dans la loi. Les associations ne cesseront quant à elles de dénoncer l’insuffisance de ce fond qui représentait entre 160 et 500€ par an et par travailleur-euse du sexe pour agir sur le logement, la formation, l’emploi, la santé.

Six mois plus tard, nous observons déjà les effets délétères de la loi. Le volet répressif est en marche. Les travailleurs-ses du sexe s’isolent, la précarité augmente. Les clients sont certes moins nombreux mais plus déterminés, leur capacité de négociation s’en trouve accrue sur les pratiques et sur l’usage du préservatif ; les violences à l’encontre des personnes se multiplient, et les forces de l’ordre refusent encore trop souvent d’enregistrer les plaintes.

Le volet sanitaire reste inexistant. Le parcours social de « sortie de la prostitution », avec toutes ces limites, n’est pas organisé. Les travailleurs-ses du sexe sans papiers se retrouvent en rétention. Le référentiel de réduction des risques arrive tout juste en concertation. La loi prétendue globale se révèle bien être ce qui était dénoncé : une loi de prohibition purement idéologique.

Mais avec le projet de loi de finances pour 2017, ce renoncement au volet social semble confirmé : le budget annoncé comme indispensable et nécessaire est amputé de moitié.

Ce sont finalement 6,6 millions d’euros de crédits budgétaires qui sont prévus pour 2017 : 6,1 millions d’euros pour le « parcours de sortie de la prostitution » dont 3,8 millions pour « l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle ». Si à l’instar de l’Office Central pour la Répression de la Traite des Êtres Humains (OCRTEH), on estime à 30 000 le nombre de travailleurs-ses du sexe en France, le budget prévu pour la « sortie de la prostitution » s’élève donc à 10,6 € par mois par personne…

À cela s’ajoutent 4,5 millions mobilisables parmi les fonds de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), sans que l’on sache comment ils seront attribués et par qui. Nous sommes en l’occurrence bien loin de promesses gouvernementales…

Madame la Députée, Monsieur le Député, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, nous vous demandons d’intervenir au Parlement et d’interpeller le Gouvernement afin que les volets sociaux et sanitaires soient effectivement mis en place, que les moyens promis, déjà insuffisants, soient mobilisés voire augmentés. Cependant, c’est la loi, en elle-même, est une mauvaise loi, elle est la cause de l’isolement et de l’exposition accrue aux violences et aux risques en santé pour les personnes. Il vous appartient d’en changer les termes.

Veuillez recevoir, Madame la Députée, Monsieur le Député, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, nos sincères salutations.

Aurélien Beaucamp, Président de AIDES