6 000 experts du sida à Paris

Pas moins de 6 000 spécialistes du sida sont réunis à Paris à partir d’aujourd’hui pour faire le point sur les avancées de la recherche. Pendant plusieurs jours, ils vont tenter de rassembler leurs connaissances sur le sujet sans pour autant éradiquer encore totalement le virus. La conférence internationale de recherche sur le sida se tient jusqu’au 26 juillet.

Trente-quatre ans après la découverte du virus du VIH, les chercheurs butent toujours sur sa capacité à se dissimuler dans certaines cellules du système immunitaire, formant des réservoirs viraux qui se réactivent si on arrête le traitement.

Aussi, la recherche s’emploie à maintenir le virus en sommeil le plus longtemps possible, à limiter les effets secondaires des traitements et à améliorer les moyens de prévention.

« Éradiquer complètement le virus du corps d’un malade, c’est très difficile, voire impossible », juge Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), un organisme public de recherche américain. « Donc nous nous concentrons surtout sur la rémission sans antirétroviraux », explique ce spécialiste du sida à l’AFP.

Cette « rémission fonctionnelle » n’est pas une guérison : le VIH est toujours présent mais si affaibli qu’il ne peut ni se multiplier ni se transmettre à une autre personne pendant une durée prolongée, même en l’absence de traitement quotidien.

Actuellement, les personnes séropositives doivent prendre tous les jours des antirétroviraux. Ces médicaments apparus dans les années 1990 ont révolutionné la vie des patients. Mais ils présentent encore beaucoup d’effets indésirables (diarrhée, démangeaisons, nausées, maux de tête…) et les fournir tout au long de la vie à des millions de malades revient très cher.

Fin 2016, 19,5 millions de personnes y avaient accès, soit un peu plus de la moitié des 36,7 millions de porteurs du VIH, selon l’ONU. Le coût d’une année de traitement dans les pays à faible revenu varie de 75 euros à plus de 1 000 euros lorsque le traitement de première intention n’est pas efficace, car il arrive de plus en plus souvent que le virus développe des résistances.

« Nous ne pouvons nous permettre de continuer à financer une épidémie d’une telle proportion », avertit Linda-Gail Bekker, chercheuse au Desmond Tutu HIV Centre (Afrique du Sud) et présidente de la Société internationale du sida, qui organise la conférence à Paris. « Si nous pouvions réduire le nombre de gens ayant besoin d’un traitement grâce à la rémission, ce serait fantastique », ajoute-t-elle.

Mettre les patients sous traitement le plus rapidement possible après l’infection semble constituer le meilleur espoir, en particulier chez les nouveaux-nés.

Autres pistes explorées : l’injection d’anticorps pour neutraliser le virus, le renforcement du système immunitaire des patients par un « vaccin thérapeutique » ou encore des antirétroviraux à longue durée d’action.

Mais les rémissions restent très peu nombreuses. Ont été rapportés les cas de 14 patients d’une étude française, qui ont arrêté leur traitement après trois années et sont restés en bonne santé depuis, et celui, annoncé il y a deux ans, d’une adolescente en rémission 12 ans après l’arrêt des antirétroviraux.

Côté prévention, tandis que plusieurs équipes continuent leur quête du Graal que constituerait un vaccin, de nombreux travaux sont consacrés à diversifier les modes de prévention.

Des anneaux vaginaux imprégnés d’antirétroviraux pourraient ainsi rejoindre le classique préservatif dans la panoplie de prévention, tandis que l’efficacité de la circoncision pour limiter les contaminations se confirme.

Des études ont aussi montré que la prise d’un antirétroviral avant un risque de contamination – la PrEP, ou prophylaxie pré-exposition – fait chuter ce risque.`Autant d' »extraordinaires progrès » qui « sont menacés par la diminution du financement de la recherche sur le VIH », avertit la Société internationale du sida dans un appel à l' »engagement des politiques », qui sera lancé officiellement dimanche.

En 2016, le sida a tué 1 million de personnes et 1,8 million de nouvelles contaminations ont eu lieu.

Le sida en dix grandes dates

1981: première alerte

Le 5 juin 1981, l’organisme américain de surveillance et prévention des maladies CDC signale une forme rare de pneumonie chez des jeunes homosexuels californiens. C’est la première alerte sur le sida. On ignore alors tout de cette maladie qui n’a pas encore de nom. Le terme « aids » (« acquired immune deficiency syndrome ») apparait en 1982. En français: « sida », pour syndrome d’immunodéficience acquise.

 

1983 : découverte du virus

En janvier 1983, à l’Institut Pasteur à Paris, les chercheurs Françoise Barré-Sinoussi et Jean-Claude Chermann, sous la direction de Luc Montagnier, isolent un nouveau virus qu’ils baptisent LAV et qui « pourrait être impliqué » dans le sida.

Le 23 avril 1984, la secrétaire d’État américaine à la Santé Margaret Heckler annonce que le spécialiste américain des rétrovirus Robert Gallo a trouvé la cause « probable » du sida, un rétrovirus baptisé HTLV-III. LAV et HTLV-III s’avèrent ensuite être le même virus. Il sera baptisé en mai 1986 virus de l’immunodéficience humaine, ou VIH.

 

1987 : AZT et accord

Le 20 mars 1987, le premier traitement antirétroviral AZT (zidovudine) est autorisé aux États-Unis. Le traitement est coûteux et les effets secondaires nombreux.

Le 31 mars, un accord est signé entre la France et les Etats-Unis pour mettre fin au contentieux sur l’antériorité de la découverte du VIH. En 1986 le prestigieux prix américain Lasker avait distingué Montagnier pour « sa découverte » du virus du sida.

 

1988 : première journée mondiale

Le 1er décembre 1988 est célébrée pour la première fois la Journée mondiale du sida sous l’égide de l’OMS. En juin 1989, on estime à plus de 150.000 les cas de sida dans le monde.

 

Début 90 : les étoiles tombent

L’acteur américain Rock Hudson avait été la première victime célèbre du sida en octobre 1985. Au début des années 90, plusieurs étoiles tombent: le chanteur britannique Freddie Mercury meurt du sida en novembre 1991, le danseur-chorégraphe russe Rudolf Noureev en janvier 1993.

En 1994, le sida devient la première cause de décès parmi les Américains de 25 à 44 ans.

 

1995-96 : début des trithérapies

En 1995-96, l’arrivée de deux nouvelles classes de médicaments marque un tournant dans la lutte contre le sida: les inhibiteurs de protéase et les inhibiteurs non-nucléosidiques de transcriptase inverse.

C’est le début des combinaisons de différents antirétroviraux: les trithérapies, qui se révèlent très efficaces. En 1996 aux États-Unis, pour la première fois depuis le début de l’épidémie, le nombre des personnes mortes du sida décline.

 

1999 : 50 millions

Un rapport de l’OMS et d’Onusida publié en novembre 1999 évalue à 50 millions les personnes infectées par le VIH depuis le début de l’épidémie. 16 millions en sont mortes. L’Afrique est le premier continent touché avec 12,2 millions de séropositifs.

 

2001 : médicaments génériques

Après un accord signé en 2000 par Onusida et cinq grands laboratoires pour distribuer à prix abordables des traitements dans les pays pauvres, un compromis est signé le 13 novembre 2001 à l’OMC pour permettre aux pays en développement de fabriquer des médicaments génériques.

 

2008 : prix Nobel

Le 6 octobre 2008, le prix Nobel de médecine est attribué à Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier pour la découverte du VIH.

 

2012 : traitement préventif

Le 16 juillet 2012, pour la première fois un traitement préventif, le cocktail antirétroviral Truvada est autorisé aux Etats-Unis, afin de protéger des personnes saines risquant une contamination.