GPA à l’étranger: la justice reconnaît la filiation de la mère d’intention
La haute juridiction, saisie sur le cas du couple Mennesson, a validé vendredi la transcription de l’acte de naissance étranger d’un enfant né par GPA pour établir un lien de filiation en France avec sa mère d’intention.
C’est à la fois un coup de tonnerre et le dernier épisode de la saga juridique emblématique de la reconnaissance par la France des enfants nés de GPA à l’étranger. Vendredi, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’épineuse question de la filiation des jumelles du couple Mennesson, Fiorella et Valentina, nées en 2000 d’une mère porteuse aux États-Unis.
La haute juridiction a opté pour la transcription des actes de naissance étrangers pour établir un lien de filiation en France entre les jumelles et leur mère d’intention, Sylvie Mennesson. Sur l’état civil californien des jumelles, Sylvie et Dominique Mennesson sont mentionnés comme «mère légale» et «père génétique». Ces documents avaient dans un premier temps été transcrits sur les registres de l’état civil français, avant qu’une procédure en annulation ne soit engagée par le ministère public, rappelle la Cour de cassation.
Une «affaire spécifique»
«Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Dans le cas d’espèce, seule la transcription des actes de naissance étrangers permet de reconnaître ce lien dans le respect du droit à la vie privée des enfants», a indiqué la Cour de Cassation dans le communiqué de presse accompagnant son arrêt.
Jusqu’à présent, la cour de Cassation avait écarté cette solution au nom de la règle héritée du droit romain «Mater semper certa est» (la mère est toujours certaine). Autrement dit, la justice se refusait à effacer la mère porteuse, celle qui a accouché. Cette transcription automatique est considérée comme «une reconnaissance implicite» de la GPA par ses opposants, une manière d’affaiblir l’interdiction de cette pratique en France en reconnaissant ses effets.
Cependant, la cour de Cassation prend le soin de souligner qu’il s’agit d’une «affaire spécifique» qui dure «depuis plus de quinze ans». Dans cette situation, «une procédure d’adoption porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants: celles-ci sont nées depuis plus de 18 ans, leurs actes de naissance ont été établis à l’étranger dans un cadre légal et elles ne peuvent prendre l’initiative d’une adoption, dont le choix revient aux parents», précise la haute juridiction.
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En 2018, la cour de Cassation avait sondé la CEDH (Cour européenne des droits de l’Homme) sur la possibilité de l’adoption par le parent d’intention pour établir un lien de filiation avec le parent d’intention. Dans leur réponse, les juges de Strasbourg avaient tout d’abord estimé que le droit de l’enfant exigeait «une possibilité de reconnaissance» de ce lien de filiation. Ils avaient ensuite souligné que cette reconnaissance pouvait passer par l’adoption, si elle présentait des garanties d’«effectivité» et de «célérité».
Le mois dernier, l’avocat général de la Cour de cassation, François Molins avait plaidé en faveur de la possession d’État pour satisfaire à ces conditions «d’effectivité» et de «célérité» recommandées par la CEDH. Selon ce dernier, l’adoption plénière était difficile à mettre en œuvre dans le cadre de l’affaire Mennesson en raison de l’âge des jumelles, aujourd’hui majeures, et de l’hostilité du couple à cette solution. La Cour de cassation a cependant rejeté le mécanisme de la possession d’état , estimant qu’il «n’offrirait pas une sécurité juridique suffisante».
«Cette décision est d’autant plus inquiétante que le gouvernement a souligné qu’il serait attentif à cet arrêt et qu’il en prendrait compte pour établir une circulaire sur la filiation des enfants nés de GPA. L’adoption est la seule voie de reconnaissance de la filiation qui n’efface la mère porteuse, celle qui a mis l’enfant au monde, et permet à l’enfant d’accéder à ses origines. Même aux États-Unis, dans les états où la GPA est interdite comme New York, les parents d’intention adoptent l’enfant», s’inquiète un membre de la CIAMS (Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution).
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