En Tanzanie, les homosexuels traqués et privés de soins vitaux Fév03

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En Tanzanie, les homosexuels traqués et privés de soins vitaux

Tee, 34 ans, se remémore avec nostalgie l’époque où la Tanzanie était « une sorte de paradis » pour les LGBT avant l’élection en 2015 du président John Magufuli qui a ouvert une période de peur et de persécution. Certes, les relations homosexuelles y étaient de longue date lourdement réprimées pénalement et la stigmatisation a toujours existé, mais sous les gouvernements précédents, l’homosexualité ne faisait pas partie du débat public.

La situation des LGBT était même en léger progrès, avec la participation de la communauté à des discussions sur la santé et la lutte contre le sida.

« A l’époque, la Tanzanie était une sorte de paradis … Nous profitions de la vie, les gens sortaient, allaient dans les bars, tenaient des réunions publiques, sans craindre personne. Nous pouvions participer à des réunions gouvernementales », raconte Tee, un militant des droits homosexuels.

« Mais maintenant nous n’osons plus sortir. Nous devons nous cacher », a-t-il expliqué à l’AFP dans une interview au Kenya voisin, sous un nom d’emprunt, par crainte pour sa sécurité.

Depuis 2016, les autorités tanzaniennes ont effectué de nombreuses descentes de police contre des réunions privées d’organisations LGBT, arrêté des homosexuels présumés dont certains ont subi des examens anaux, et ont gelé des programmes de santé et de prévention du sida cruciaux.

Tee, arrêté lors d’une de ces opérations, a réussi à échapper à ces examens forcés en reconnaissant qu’il était homosexuel, mais a dit avoir vu de jeunes hommes en sortir traumatisés, ainsi que par des tests de dépistage du sida imposés et sans accompagnement psychologique.

Dans un rapport publié lundi, intitulé « Si nous ne recevons pas de soins, nous allons mourir », Human Rights Watch (HRW) dénonce la répression des LGBT sous M. Magufuli. « Les autorités tanzaniennes ont lancé une campagne systématique contre les droits des LGBT, y compris leur droit à la santé », a affirmé Neela Ghoshal, chercheuse spécialisée dans les droits des LGBT pour HRW.

Selon HRW, la répression a commencé lorqu’une femme transsexuelle a parlé sur une télévision locale de son travail avec des organisations de la société civile qui fournissent des préservatifs et des lubrifiants. Accusée par un député de « promouvoir l’homosexualité », la télévision en question avait dû présenter des excuses.

Dans les jours qui ont suivi, en octobre 2018, le gouverneur de la province de Dar es Salaam, la capitale économique du pays, Paul Makonda, avait appelé publiquement à dénoncer les homosexuels, promettant de les arrêter, ainsi que ceux qui les suivaient sur les réseaux sociaux.

Peu après, le ministère de la Santé avait interdit la vente de lubrifiants hors des hôpitaux publics. Le gouvernement avait également fermé, au nom de la lutte contre la « promotion de l’homosexualité », de nombreux centres établis par des ONG de dépistage et de consultations sur le sida, distribuant des anti-rétroviraux, des préservatifs et des lubrifiants, considérés comme des espaces protégés pour la communauté LGBT.

(avec agences)