Grindr repasse sous pavillon américain Mar07

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Grindr repasse sous pavillon américain

Sous pression des États-Unis, l’appli de rencontre gay Grindr est revendue par son propriétaire chinois. Le groupe Kunlun Tech a annoncé avoir revendu ses parts dans l’application pour 608,5 millions de dollars.

Samedi 7 mars, dans un document transmis à la Bourse de Shenzhen, le groupe chinois Kunlun Tech a annoncé qu’il avait acté la revente de ses parts (98,59%) dans l’application de rencontre gay Grindr. Attendue de longue date, cette vente s’est faite pour 608,5 millions de dollars, précise le document. L’entreprise va donc retrouver son giron natal, en repassant sous pavillon américain, son acquéreur étant la holding San Vicente Acquisition.

Pour Grindr, c’est la fin d’une affaire ayant duré plusieurs années, dans un contexte de tensions croissantes entre la Chine et les États-Unis. Revendiquant plus de 4 millions d’utilisateurs quotidiens à travers le globe, l’application a été fondée en 2009. Elle avait été acquise par Kunlun Tech en 2016 : le groupe avait initialement déboursé 93 millions de dollars pour prendre 60% du capital, et avait remis sur la table 152 millions de dollars de plus en 2018 pour prendre possession des parts restantes. À l’époque, il s’agissait de la première prise de participation d’un investisseur extérieur dans Grindr.

Néanmoins, le passage de l’application sous contrôle chinois avait été mal perçu par les autorités américaines. Le contexte s’est rapidement compliqué pour l’entreprise : en 2018, elle avait fait l’objet de vives critiques sur les données qu’elle récoltait auprès de ses utilisateurs et qu’elle partageait ensuite à des entreprises tierces. Entre-temps, les relations glaciales entre Washington et Pékin ont poussé les autorités américaines à se pencher sur la vente de l’application à un groupe étranger.

D’après le Wall Street Journal, le CFIUS, chargé de surveiller les arrivées de capitaux dans les entreprises américaines, avait ordonné à Kunlun de céder Grindr en raison d’inquiétudes touchant à la sécurité intérieure ainsi qu’au contrôle des données personnelles des utilisateurs. L’agence craignait notamment que les données partagées par ces derniers ne soient utilisées par le gouvernement chinois afin de faire pression sur les individus et de leur faire du chantage. Le Wall Street Journal citait notamment une loi chinoise de 2017, forçant les entreprises nationales à coopérer, si besoin est, avec les services de renseignements.

Cédant aux pressions américaines, Kunlun avait donc annoncé, en mai 2019, avoir signé un accord avec le CFIUS, dans lequel il s’engageait à vendre sa propriété d’ici juin 2020. Désormais actée, la transition doit être approuvée par le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis (CFIUS), a toutefois précisé Kunlun.

Les données personnelles, un enjeu de plus en plus central

La cession de Grindr intervient par ailleurs alors que les inquiétudes montent dans plusieurs pays occidentaux sur la protection des données des usagers de l’application. Le Conseil norvégien des consommateurs a accusé mi-janvier Grindr de partager les données GPS, l’adresse IP, l’âge et le sexe de ses utilisateurs avec une multitude d’acteurs soucieux de mieux cibler leurs publicités: un partage jugé illégal et «une violation insensée des droits européens de confidentialité des usagers», selon lui.

Grindr n’est par ailleurs pas la seule application pointée du doigt par les États-Unis dans ce domaine. L’année dernière, FaceApp avait été lourdement critiquée par des officiels américains, qui s’inquiétaient de «risques pour la sécurité nationale et la vie privée de millions de citoyens américains». Basée en Russie et développée par la société Wireless Lab OOO, l’application demandait que ses utilisateurs cèdent leurs droits sur les images qu’ils partagent. Ces dernières pouvaient ensuite êtres transférées ailleurs que dans son pays d’origine, puis stockées et utilisées durant une durée indéterminée contractuellement. Des conditions suffisantes pour pousser les autorités américaines à mettre en garde les internautes quant à l’utilisation et au partage de leurs données personnelles.

(avec agences)