Huey Newton fervent défenseur des droits LGBT

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Le cofondateur des Black Panther, Huey Newton avait prononcé le 15 août 1970 un discours sur le mouvement de libération des femmes et des homosexuels, et ce, un an après les émeutes de Stonewall à New York. A la surprise générale, ce marxiste était aussi un défenseur des droits Lgbt. Plusieurs médias américains republient dans leurs colonnes des extraits de ce discours. 

Voici le discours de Huey Newton, fondateur des Black Panthers, 15 août 1970.

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Les mouvements de libération des femmes et des gays

Ces dernières années se sont développés de forts mouvements de libération chez les femmes et les homosexuels. Il y a eu des doutes quant à la manière de se positionner par rapport à ces mouvements.

Quelles que soient vos opinions ou insécurités personnelles quant à l’homosexualité et les différents mouvements de libération des homosexuels et des femmes (et je parle des homosexuels et des femmes en tant que groupe opprimé), nous devrions essayer de nous unir à eux de manière révolutionnaire. Je dis « quelles que soient vos insécurités » car comme nous le savons trop bien, parfois notre premier réflexe est de vouloir frapper un homosexuel au visage, et de vouloir qu’une femme se taise. Nous voulons frapper l’homosexuel parce que nous avons peur d’en être un nous-même; nous voulons frapper les femmes ou les faire taire car nous avons peur qu’elles nous castrent, ou qu’elles aient des couilles là où nous n’en avons pas.

Nous devons nous sentir en sécurité en nous-mêmes et donc avoir du respect et de l’empathie pour toutes les personnes opprimées. Nous ne devons pas avoir la même attitude raciste dont les racistes blancs font preuve envers notre peuple car nous sommes noirs et pauvres. Bien souvent le blanc le plus pauvre est aussi le plus raciste car il a peur de perdre quelque chose, ou de découvrir quelque chose qu’il n’a pas. Nous sommes donc une menace pour lui. Ce fonctionnement psychologique est à l’oeuvre lorsque nous voyons des gens opprimés et que nous sommes en colère après eux à cause de leur comportement ou de leur déviance par rapport aux normes établies.

N’oublions pas que nous n’avons pas établi de système de valeurs révolutionnaire; nous sommes seulement en train de le mettre en place. Je n’ai pas souvenir que nous ayons défini des valeurs qui disent qu’un révolutionnaire doive tenir des propos insultants envers les homosexuels, ou qu’un révolutionnaire doive s’assurer que les femmes ne s’expriment pas à propos de leur oppression particulière. De fait, il s’agit de l’opposé: nous disons que nous reconnaissons le droit des femmes à être libres. Nous n’avons presque rien dit à propos des homosexuels, mais nous devons nous relier au mouvement homosexuel car il est bien réel. Je sais, de par mes lectures, mon expérience et mes observations que nul dans la société n’accorde de liberté ou d’autonomie aux homosexuels. Ils sont peut-être la population la plus opprimée de la société. Et qu’est ce qui a fait d’eux des homosexuels ?

C’est sans doute un phénomène que je ne comprends pas entièrement. Certains disent qu’il s’agit de la décadence du capitalisme. Je ne sais pas si c’est le cas; je préfère en douter. Mais quelle que soit la raison, nous savons que l’homosexualité existe, et nous devons la comprendre dans sa forme la plus pure: c’est à dire qu’un personne devrait disposer de la liberté d’user de son corps de la manière qu’elle souhaite.

Il ne s’agit pas de promouvoir des aspects de l’homosexualité que nous ne considérerions pas comme révolutionnaire. Mais il n’y a rien qui indique qu’un homosexuel ne puisse pas être un révolutionnaire. Et peut-être que je fais passer certains de mes préjugés lorsque je dis que « même un homosexuel peut être révolutionnaire ». Bien au contraire, un homosexuel est peut-être encore plus révolutionnaire. Lorsque nous organisons des conférences révolutionnaires, des rassemblements, des manifestations, il devrait y avoir une participation totale des mouvements de libérations des femmes et des homosexuels. Certains groupes sont peut-être plus radicaux que d’autres, mais nous ne devrions pas utiliser les actions des uns pour les désigner tous comme réactionnaires ou contre-révolutionnaires car ce n’est pas le cas. Nous devrions agir envers ces groupes comme nous agissons envers un autre groupe se définissant comme révolutionnaire. Nous devrions essayer de juger, d’une manière ou d’une autre, s’il fonctionnent de manière réellement révolutionnaire et d’une situation réellement oppressive (et nous reconnaissons que lorsqu’il s’agit de femmes elles sont très probablement opprimées). S’ils font des choses non révolutionnaires ou contre-révolutionnaires, critiquons cette action. Si nous sentons que le groupe désire être révolutionnaire dans ses actes mais se trompe dans son interprétation de la philosophie révolutionnaire, ou ne comprends pas la dialectique des forces sociales en opération, nous devons critiquer cela et ne pas les critiquer en tant que femmes essayant d’être libre. La même chose s’applique pour les homosexuels. Nous ne devrions jamais taxer un mouvement de malhonnêteté lorsqu’en fait il s’efforce d’être honnête. Ils font des erreurs honnêtes; les amis ont le droit de commettre des erreurs. L’ennemi n’a pas le droit car son existence est une erreur dont nous souffrons. Mais le front de libération des femmes et le front de libération des homosexuels sont nos amis, nos alliés potentiels, et nous avons besoin d’autant d’alliés que possible.

Nous devrions discuter volontairement des insécurités que beaucoup de gens ont envers l’homosexualité. Quand je parle d’insécurités, je parle de la peur qu’ils soient une menace pour notre virilité. Je comprends cette peur. A cause du long procédé de conditionnement qui instille l’insécurité dans le mâle américain, l’homosexualité peut produire certains rejets en nous. J’ai moi-même des rejets vis-à-vis de l’homosexualité masculine. D’un autre côté, je n’en ai aucun envers l’homosexualité féminine. Cela est déjà un fait en lui-même. Je pense que c’est sans doute car l’homosexualité masculine est une menace pour moi, alors que l’homosexualité féminine ne l’est pas. Nous devrions être prudent lorsque nous employons des termes qui pourraient blesser nos amis. Les mots « pédale » et « salope » devraient être éliminés de notre vocabulaire, et nous devrions plus particulièrement ne pas utiliser de noms attribués aux homosexuels pour désigner les ennemis du peuple, comme Nixon ou Mitchell. Les homosexuels ne sont pas les ennemis du peuple.

Nous devrions essayer de former des coalitions avec les groupes de libération des femmes et des gays. Nous devons toujours nous comporter envers les forces sociales de la manière la plus appropriée.

Le discours en version originale

During the past few years strong movements have developed among women and among homosexuals seeking their liberation. There has been some uncertainty about how to relate to these movements.

Whatever your personal opinions and your insecurities about homosexuality and the various liberation movements among homosexuals and women (and I speak of the homosexuals and women as oppressed groups), we should try to unite with them in a revolutionary fashion.

I say ”whatever your insecurities are” because as we very well know, sometimes our first instinct is to want to hit a homosexual in the mouth, and want a woman to be quiet. We want to hit a homosexual in the mouth because we are afraid that we might be homosexual; and we want to hit the women or shut her up because we are afraid that she might castrate us, or take the nuts that we might not have to start with.

We must gain security in ourselves and therefore have respect and feelings for all oppressed people. We must not use the racist attitude that the white racists use against our people because they are Black and poor. Many times the poorest white person is the most racist because he is afraid that he might lose something, or discover something that he does not have. So you’re some kind of a threat to him. This kind of psychology is in operation when we view oppressed people and we are angry with them because of their particular kind of behavior, or their particular kind of deviation from the established norm.

Remember, we have not established a revolutionary value system; we are only in the process of establishing it. I do not remember our ever constituting any value that said that a revolutionary must say offensive things towards homosexuals, or that a revolutionary should make sure that women do not speak out about their own particular kind of oppression. As a matter of fact, it is just the opposite: we say that we recognize the women’s right to be free. We have not said much about the homosexual at all, but we must relate to the homosexual movement because it is a real thing. And I know through reading, and through my life experience and observations that homosexuals are not given freedom and liberty by anyone in the society. They might be the most oppressed people in the society.

And what made them homosexual? Perhaps it’s a phenomenon that I don’t understand entirely. Some people say that it is the decadence of capitalism. I don’t know if that is the case; I rather doubt it. But whatever the case is, we know that homosexuality is a fact that exists, and we must understand it in its purest form: that is, a person should have the freedom to use his body in whatever way he wants.

That is not endorsing things in homosexuality that we wouldn’t view as revolutionary. But there is nothing to say that a homosexual cannot also be a revolutionary. And maybe I’m now injecting some of my prejudice by saying that “even a homosexual can be a revolutionary.” Quite the contrary, maybe a homosexual could be the most revolutionary.

When we have revolutionary conferences, rallies, and demonstrations, there should be full participation of the gay liberation movement and the women’s liberation movement. Some groups might be more revolutionary than others. We should not use the actions of a few to say that they are all reactionary or counter-revolutionary, because they are not.

We should deal with the factions just as we deal with any other group or party that claims to be revolutionary. We should try to judge, somehow, whether they are operating in a sincere revolutionary fashion and from a really oppressed situation. (And we will grant that if they are women they are probably oppressed.) If they do things that are unrevolutionary or counter-revolutionary, then criticize that action.

If we feel that the group in spirit means to be revolutionary in practice, but they make mistakes in interpretation of the revolutionary philosophy, or they do not understand the dialectics of the social forces in operation, we should criticize that and not criticize them because they are women trying to be free. And the same is true for homosexuals. We should never say a whole movement is dishonest when in fact they are trying to be honest. They are just making honest mistakes. Friends are allowed to make mistakes. The enemy is not allowed to make mistakes because his whole existence is a mistake, and we suffer from it. But the women’s liberation front and gay liberation front are our friends, they are our potential allies, and we need as many allies as possible.

We should be willing to discuss the insecurities that many people have about homosexuality. When I say “insecurities,” I mean the fear that they are some kind of threat to our manhood. I can understand this fear. Because of the long conditioning process which builds insecurity in the American male, homosexuality might produce certain hang-ups in us. I have hang-ups myself about male homosexuality. But on the other hand, I have no hang-up about female homosexuality. And that is a phenomenon in itself. I think it is probably because male homosexuality is a threat to me and female homosexuality is not.

We should be careful about using those terms that might turn our friends off. The terms “faggot” and “punk” should be deleted from our vocabulary, and especially we should not attach names normally designed for homosexuals to men who are enemies of the people, such as [Richard] Nixon or [John] Mitchell. Homosexuals are not enemies of the people.

We should try to form a working coalition with the gay liberation and women’s liberation groups. We must always handle social forces in the most appropriate manner.