Il y a 60 ans, se suicidait Alan Turing
C’est à la fois un anniversaire, celui de sa disparition, et un hommage rendu à celui qui aurait permis d’écourter la seconde Guerre Mondiale. Son nom : Alan Turing, ouvertement homosexuel et surtout père de l’ordinateur moderne. En 1954, il se donne la mort après avoir été condamné par la justice de son pays à la castration chimique pour avoir entretenu une relation sexuelle avec un autre homme. Alan Turing est celui qui vint à bout des codes secrets utilisés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ce mathématicien est chargé au sein du Bureau de décryptage britannique, installé à Bletchley Park, de casser les codes utilisés par la marine allemande. Après avoir tâtonné un temps, il parvient à décrypter le code Enigma utilisé par l’Amirauté du Reich pour communiquer avec ses sous-marins sillonnant l’Atlantique. Il est probable que sans cette découverte majeure, l’Angleterre aurait fini par capituler étouffée par le blocus allemand. Le génie de Turing est reconnu par Churchill qui le charge de mettre au point le système de communication ultra secret qui lui permettra de communiquer avec le président Roosevelt.
On apprendra plus tard que ses premières relations homosexuelles remontent à son enfance. C’est à l’internat qu’il fait la connaissance de Christopher Morton, un garçon de son âge, au physique frêle. A quinze ans, ils partagent les mêmes passions : l’astronomie, les mathématiques, la théorie quantique. Alan est amoureux et c’est avec inquiétude qu’il voit partir Chris pour de longues semaines d’absence avant de revenir le teint encore plus pâle. Christopher décèdera quelques années plus tard.
Dans l’Angleterre des années 50, l’homosexualité reste un crime poursuivi par la loi, comme celle qui soixante-dix ans plus tôt a condamné Oscar Wilde à la prison. De plus, la guerre froide a commencé et le pays a été marqué par de retentissantes affaires d’espionnage au profit de l’URSS mettant en cause de brillants intellectuels homosexuels. Mais Turing est un esprit trop libre pour renier son attirance pour les garçons que, sans faire de provocation, il n’a jamais cachée à son entourage et ses collègues. Il sait qu’il est condamné aux amours éphémères des rues chaudes et aux rencontres clandestines. En 1952, il a une aventure passagère avec un jeune homme qui donne son adresse à un voyou qui cambriole son appartement. Turing porte plainte, mais le cambrioleur une fois arrêté s’empresse de dévoiler la nature des relations entre Turing et son amant. Interrogé par la police, le savant se refuse à toute hypocrisie et reconnaît ce qu’on lui reproche. A la suite d’un procès douloureux et scandaleux, il est contraint de choisir entre la prison et la poursuite d’une cure médicale qui s’apparente à une castration chimique. Il doit prendre des œstrogènes censés réduire sa libido et le remettre dans la droit chemin. Ce “traitement” très en vogue à l’époque durera une année et aura pour seul résultat tangible de lui voir pousser des seins.
Le mathématicien britannique se suicide le 7 juin 1954 à l’âge de 42 ans en croquant une pomme trempée dans du cyanure, telle Blanche-Neige dans le film de Disney qui paraît-il, le fascinait. Une pomme devenue le logo universellement connu des ordinateurs Macintosh. Alan Turing s’est vu accorder la grâce royale, le 24 décembre dernier, à titre posthume, par la reine Elizabeth II, plus de 60 ans après sa condamnation pour homosexualité.
« The Imitation Game », film consacré à Alan Turing (incarné par Benedict Cumberbatch), sortira en France en novembre prochain.
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