Un vaccin curatif contre le sida remis en cause
Le chercheur du CNRS Erwann Loret, père du vaccin
Encore un pas de plus vers la mise au point d’un vaccin curatif contre le sida. Biosantech et le chercheur du CNRS Erwann Loret ont présenté des résultats préliminaires encourageants d’un vaccin curatif contre le sida testé sur des patients séropositifs à Marseille. Mais l’agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) conteste les conclusions de la start-up française.
« Le résultat principal de cet essai (…), c’est que nous avons avec ce vaccin un effet sur les cellules infectées par le VIH. On fait gagner 70 ans de trithérapie aux patients », a expliqué devant la presse à Marseille le docteur Erwann Loret, chercheur au CNRS à l’Université d’Aix-Marseille dont les travaux doivent être publiés dans la revue scientifique Retrovirology.
« Je ne partage pas du tout l’analyse des données présentées à Marseille », a déclaré pour sa part le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS, après avoir eu accès à l’article. Il a précisé qu’il n’existait aucune « donnée solide en faveur de ce candidat vaccin » qui, selon le Dr Loret, aurait permis à certains patients séropositifs de voir leurs cellules infectées par le VIH baisser à un niveau indétectable.
Actuellement, aucun traitement ne permet d’éliminer complètement le VIH de l’organisme. Les trithérapies permettent aux personnes séropositives de bloquer la multiplication du VIH dans leur organisme et de garder un système immunitaire opérationnel en rendant leur charge virale – c’est-à-dire le nombre de copies du virus dans le sang – indétectable. Les trithérapies n’ont en revanche que très peu d’effet sur le nombre de cellules infectées, qui servent de réservoirs de virus et causent une remontée de la charge virale dès l’arrêt du traitement chez la plupart des séropositifs.
Selon le Dr Loret, 9 patients auraient présenté un niveau de cellules infectées indétectables 12 mois après avoir reçu le candidat vaccin. Ils faisaient partie de 48 patients répartis en 4 groupes (un groupe sous placebo et 3 avec des doses vaccinales différentes) qui ont participé à un essai clinique, mené à l’hôpital de la Conception à Marseille sous la direction du Dr Isabelle Ravaux. Le vaccin du Dr Loret cible la protéine Tat, produite par la cellule infectée par le VIH et qui empêche les défenses immunitaires de s’attaquer à elle.
La molécule a pris le nom de Tat Oyi, en référence à un patient gabonais résistant naturellement au VIH et chez qui cette protéine était capable de générer une bonne réponse immunitaire. Après des tests encourageants menés sur des animaux, des essais cliniques ont été menés chez l’homme à partir de 2013 à Marseille. Initialement, l’étude cherchait à démontrer l’efficacité du vaccin sur le « rebond virémique », c’est-à-dire le retour de la charge virale dans le sang après arrêt de la trithérapie.
Les résultats ont, selon le Dr Loret, été positifs sur ce plan-là, avec 4 patients sur 12 dont la charge est « quasi indétectable » un mois après l’arrêt pour la dose la plus efficace (33 microgrammes). Mais ils ont surtout eu, selon lui, un effet inattendu sur les cellules infectées. L’arrêt de la trithérapie n’a toutefois pas excédé deux mois durant l’essai.
« Il n’existe pas de données biologiques qui permettent de dire quoi que ce soit à ce stade », insiste pour sa part le Pr Delfraissy qui regrette des « effets d’annonce extrêmement délétères qui créent de faux espoirs chez les malades ». Il ajoute que plus d’une dizaine d’essais cliniques sont menés dans le monde sur des vaccins thérapeutiques contre le VIH, dont certains sont nettement plus avancés que le Tat Oyi. Selon le Dr Loret, une étude « multicentrique » de plus grande ampleur pourrait à l’avenir être menée dans plusieurs centres hospitaliers dans le monde, Francfort, Barcelone ou encore aux États-Unis, associant vaccin et trithérapies.
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