Le père psy Anatrella n’en a pas fini avec la justice de l’Eglise

Le « psy de l’Eglise » Tony Anatrella, soupçonné d’abus sexuels, n’en a pas fini avec la justice ecclésiastique. Une enquête préalable a été ouverte qui pourra conduire à des sanctions, même si Rome n’a pas autorisé un procès judiciaire canonique.

Le printemps 2016 avait mis en lumière de nouvelles accusations, dix ans après de premières plaintes, à l’encontre du père Anatrella, prêtre du diocèse de Paris accusé de thérapies déviantes sur de jeunes hommes dans son cabinet de psychanalyste.

L’AFP avait recueilli le témoignage d’un accusateur qui avait évoqué une « bonne dizaine » de « séances spéciales » en 2010-2011: « une demi-heure d’attouchements », suivie d' »une demi-heure de débriefing sur le ressenti, les émotions ». Tony Anatrella, 76 ans, a toujours nié avoir eu le moindre geste déplacé. Trois plaintes devant la justice pénale de la République pour « agressions sexuelles » n’avaient pas abouti, en 2008, notamment parce que les faits étaient prescrits.

Faute de résultat devant la justice de l’Etat, plusieurs accusateurs se sont tournés vers l’Eglise. Le père Anatrella a longtemps été bien en cour auprès de la haute hiérarchie catholique. Ce « spécialiste en psychiatrie sociale » bénéficie même du titre de « Monseigneur » sans être évêque. Réputé pour ses écrits sur la sexualité des adolescents, il a été « consulteur » auprès de deux conseils pontificaux (famille et santé) au Vatican.

Le diocèse de Paris a agi en plusieurs temps au sujet du père Anatrella, qui n’a plus aujourd’hui ni ministère ni enseignements. Le cardinal-archevêque André Vingt-Trois a mis en place à l’été 2016 une « commission d’audition » des accusateurs du prêtre-psy, et ouvert une procédure régie par le droit canonique, celui de l’Eglise. Tony Anatrella avait collaboré par le passé avec l’officialité (tribunal ecclésiastique) de Paris. L’instruction de l’affaire a donc été dépaysée devant celle de Toulouse.

Vu l’ancienneté des faits visés, l’archevêque a aussi adressé au Vatican « une demande de levée de prescription » pour permettre un procès judiciaire canonique. « Nous n’avons à ce jour reçu aucune réponse de Rome », indique à l’AFP le diocèse de Paris. La prescription ne sera probablement pas levée, les faits allégués concernant des majeurs et non des mineurs. « Rome craint, en levant la prescription, un afflux de dossiers », selon une source proche du dossier.

Cette demande adressée à Rome fait bondir l’entourage des accusateurs, mais aussi celui du père Anatrella. « Personne ne demandait ça à l’archevêque de Paris », s’irrite un ecclésiastique proche de trois plaignants, qui soupçonne le cardinal Vingt-Trois d’avoir voulu « protéger » son « ami » Anatrella. « Cette procédure est complètement irrégulière », accuse aussi l’avocat de Mgr Anatrella, Me Benoît Chabert, pour qui l’archevêque et son auxiliaire Mgr Eric de Moulins-Beaufort « n’avaient qu’un objectif: ouvrir un parapluie par peur qu’on leur reproche une inaction ». L’archevêché s’en défend, assurant avoir « fait tout ce qu’il convenait de faire pour que ce dossier soit mené à son terme ».

Faute de feu vert romain, un procès judiciaire n’est plus possible devant la justice de l’Eglise. Mais un procès administratif est en cours, à la suite de l’ouverture d’une enquête préalable en septembre, menée par l’official (juge ecclésiastique) de Toulouse L’intéressé va répondre à la justice de l’Eglise, a assuré son avocat, dénonçant néanmoins une « chasse aux sorcières » ayant « complètement black-listé » un homme qui « clame son innocence ».

Les plaignants espèrent, eux, des sanctions contre un prêtre-psy dont les écrits sur la sexualité faisaient autorité dans l’Eglise quand « le soir, il faisait payer ses attouchements ». « Où est le regard du Christ dans tout ça? », s’interroge une source ecclésiastique.