Découverte de l’une des clés du VIH pour infecter les cellules

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La recherche avance à grand pas. Ainsi, deux équipes ont mis au jour une des tactiques utilisées par le virus du sida pour envahir les cellules humaines à leur insu et s’y répliquer.

Le virus du sida (VIH) est un malin. Au fil l’évolution, le microbe a développé des parades afin d’annihiler les boucliers mis en place par les cellules humaines pour éviter d’être systématiquement infectées. Deux équipes de recherche, dont l’une impliquant des généticiens et bioinformaticiens de l’Université de Genève, ont mis au jour l’un de ces mécanismes de défense.

Leurs études paraissent ce jeudi dans Nature. « C’est une découverte fondamentale qui explique pourquoi nos organismes sont bien protégés contre les infections de nombre de rétrovirus », commente avec enthousiasme Didier Trono, directeur du laboratoire de virologie de l’EPFL, qui n’a pas participé à ces travaux.

Depuis longtemps, les scientifiques savent qu’une protéine, nommée Nef, joue un rôle crucial dans diverses étapes du cycle viral du VIH. « Notre travail de généticiens a été de comprendre pourquoi certaines cellules sont plus sensibles au VIH que d’autres, et donc à identifier les clés de cette variabilité en regard des actions de Nef », dit le professeur Stylianos Antonarakis, directeur de la Division de génétique médicale à l’Université de Genève, et co-auteur de l’étude.

Sur demande de Massimo Pizzato, virologue spécialiste du VIH à l’Université de Trento (Italie) et premier auteur de l’étude, son équipe a examiné des lignées cellulaires issues de différents organes. Et a mis la main sur SERINC5, une protéine de la membrane des cellules servant habituellement à leur autodéfense. Massimo Pizzato explique: « Le mécanisme d’infection [habituel] du VIH se passe en deux temps. D’abord, le VIH se reproduit normalement dans une cellule. Mais lorsqu’il en ressort pour poursuivre son travail destructeur dans une autre cellule, il emporte avec lui une partie de la membrane cellulaire infectée pour constituer sa propre membrane. Cette bribe de membrane inclut des protéines SERINC5. Ensuite, quand le VIH essaie d’infecter une seconde cellule, SERINC5 agit comme un signal d’alarme et prévient cette dernière de l’arrivée du pathogène ».

Le virus ne serait alors en principe plus capable d’y pénétrer, la cellule-cible, parée, l’en empêchant. « C’est ce processus qui explique pourquoi nous ne résistons à l’attaque de nombreux rétrovirus », conclut Didier Trono. Mais pas à l’assaut du VIH, car toute l’astuce est là: la protéine Nef du virus du sida inhibe SERINC5. Autrement dit, le microbe VIH fait disparaître ce qui, pour la cellule qu’il vise, constitue un signal d’alarme de l’attaque en cours. Et Massimo Pizzato de se réjouir, en conclusion de son article dans Nature: « Ce facteur cellulaire antiviral pourrait être exploité pour développer des thérapies géniques anti-VIH. »

En soulignant à nouveau l’importance de ces travaux, Didier Trono relativise: « Cette protéine SERINC5 s’ajoute à la longue liste des molécules impliquées dans le cycle d’infection du VIH, qui constituent autant de possibilités pour développer des médicaments » freinant le pathogène.

Trois de ces molécules, en jeu directement dans la réplication du VIH lui-même, sont déjà ciblées par les substances qui constituent les trithérapies. « Or, dans ce nouveau cas, il faudrait développer un produit neutralisant non pas l’action d’une seule molécule, mais l’interaction entre deux protéines », à savoir Nef et SERINC5. « C’est possible, mais plus complexe. Et l’on connaît la frilosité de l’industrie pharmaceutique à se lancer dans la recherche de médicaments entièrement novateurs. »

Avec AFP